Pourquoi cette interrogation ?
Vous ne le saviez peut-être pas, mais à Elao s'est posée très récemment la question de savoir comment rendre nos articles plus inclusifs.
La question de l'intégration de l'écriture inclusive s'est posée régulièrement ces derniers mois.
En effet, comme l'activité du site s'est intensifiée durant cette période et plusieurs personnes de l'équipe sont particulièrement sensibles à cette question, nous avons décidé d'adopter certaines règles en la matière.
Petit rappel des règles adoptées
Sur les articles et contenus postés au nom d'Elao, sans auteur ou autrice, nous allons privilégier
dans l'ordre d'importance, les règles suivantes :
- Les formules non genrées,
- Doubler les formes masculines avec leurs équivalents féminins,
- Et le fameux point médian.
Au fait, c'est quoi l'écriture inclusive ?
Avant de rentrer dans le vif du sujet, il est important de rappeler ce qu'est l'écriture inclusive, et pourquoi son utilisation devient de plus en plus répandue.
Petit rappel de règles de bases de la langue française
La langue française, est une langue fortement genrée, chaque nom commun ayant un genre, masculin ou féminin, et chaque adjectif s'accordant avec ce genre.
Exemple
Le mot "chat" est masculin, l'adjectif "roux" s'accorde avec ce genre, on dira donc "un chat roux".
Mais "chienne" étant féminin, on dira plutôt "une chienne rousse".
Et pour parler d'une personne, différents pronoms seront appliqués suivant son genre.
Exemple
On dira "il" pour un homme, et "elle" pour une femme, tout comme leur forme plurielle "ils" et "elles".
Jusqu'à présent, c'est très simple et vous connaissez certainement ces règles par cœur.
Une règle est remise en question par l'écriture inclusive
Il y a une règle dans la langue française, qui veut que le masculin l'emporte sur le féminin, et là, ça se complique un peu, car on va utiliser le masculin pour désigner un groupe de personnes, même si ce groupe est composé de femmes et d'hommes.
Exemple
Par exemple, si on parle d'un groupe de 10 personnes, composé de 9 femmes et d'un homme, on dira "ils sont 10", et non pas "elles sont 10".
C'est cette règle qui est remise en question par l'écriture inclusive, car il est considéré qu'elle augmente dans les textes la visibilité des hommes, réduisant celle des femmes.
Pourquoi ça peut être problématique ?
La question se pose d'autant plus dans le milieu de l'informatique, en particulier dans les sphères techniques, car c'est un milieu où il y a une forte majorité d'hommes.
On peut aussi citer comme exemple les offres d'emplois rédigées au masculin, encore trop souvent considéré comme neutre. Cela peut décourager les femmes à postuler, car elles ne se sentent pas concernées.
Bref, l'écriture inclusive, c'est un ensemble de règles, qui permettent de rendre le langage plus inclusif, en rééquilibrant la visibilité des hommes et femmes.
Et l'accessibilité dans tout ça ?
L'accessibilité, c'est le fait de rendre un contenu accessible à tous, et notamment aux personnes en situation de handicap.
Je me suis intéressée en particulier à la question des liseurs de texte (ou lecteurs d'écran), qui permettent à des personnes aveugles ou malvoyantes de naviguer sur le web, et de lire des contenus.
Je me demandais comment l'écriture inclusive s'accorde avec l'accessibilité, en particulier la forme avec le point médian, qui est celle qui déchaîne le plus les passions.
Le point médian, le point de discorde
Le point est médian est très critiqué, et ce jusqu'aux plus hautes instances du pays : le ministère de l'Education Nationale, porté par Jean-Michel Blanquer en 2019, avait communiqué en défaveur de l'écriture inclusive (en réalité, uniquement le point médian...), qui, selon lui "complique la lecture et la compréhension des textes".
Notre langue est le premier trésor français, celui qui nous relie tous et fait notre puissance mondiale. Elle ne doit donc pas être triturée ou abîmée. - Jean-Michel Blanquer
Pourtant, le point médian est beaucoup utilisé, ayant l'avantage de ne pas alourdir le texte en rajoutant un ou plusieurs mots, et après une certaine pratique, demandant moins d'efforts mentaux (pratique uniquement syntaxique).
C'est aussi une pratique que j'ai adoptée, après quelques années d'utilisation de différentes méthodes d'écriture inclusive, dans différents contextes (associatifs, professionnels, personnels).
Mais je me suis bien sûr demandé si mon point de vue n'était pas trop biaisé, car ignorante des difficultés quotidiennes des personnes en situation de handicap.
Ma prise en main avec un liseur de texte
J'ai donc décidé de tester l'utilisation d'un liseur de texte.
J'ai un Macbook Pro avec VoiceOver, le liseur de texte intégré au système macOS.
La référence des liseurs de texte
Pour informations, le liseur de texte de référence semble être NVDA, qui est un logiciel libre,
et qui n'est disponible malheureusement que sur Windows.
Dans l'univers des OS open source (Ubuntu...), il y a Orca,
qui est intégré à Gnome, et qui est disponible sur Linux.
Apple propose sur ses appareils des séances pour se familiariser avec l'outil et ses raccourcis clavier.
Je dois avouer que ça n'a pas été simple du tout pour moi, et j'ai bien constaté qu'il faut une utilisation régulière pour que les raccourcis viennent facilement.
Toutefois, j'ai rapidement commencé à explorer des pages web, j'en ai cherché spécifiquement qui utilisaient le point médian de l'écriture inclusive.
Alors ça donne quoi ?
VoiceOver utilise une voix robotique un peu comme celle de Google Traduction, quand vous demandez à énoncer sur le haut-parleur le mot ou les expressions sélectionnés.
VoiceOver ne prononce pas à l'oral avec ses paramètres par défaut le point médian. Il lit donc la forme féminisée directement à la suite de la forme masculine, et parfois aussi le pluriel féminisé.
Exemple
Prenons l'expression "les développeurs·euses", VoiceOver énonce "les développeurs, euses".
C'est encore plus difficilement compréhensible pour le point médian utilisé plusieurs fois sur un même mot
Exemple
Avec l'expression "les développeur·se·s", il dit "les développeur, se, s".
Le fait est que le liseur ne détecte pas le point médian comme un caractère qui doit être énoncé à l'oral, il n'y pas de façon pour une personne aveugle ou malvoyante de savoir si c'est un mot écrit de façon inclusive, ou un mot de la langue française.
Il peut donc difficilement saisir le sens de la phrase, s'il n'a aucune connaissance auditive sur la manière de prononcer les mots incluant un point médian.
Est-ce qu'il y a des moyens d'y pallier ?
La réponse est oui, mais ces moyens ne sont pas disponibles de base dans les liseurs de texte, et il faut donc les paramétrer spécifiquement pour que le liseur prononce le point médian, par exemple, ou installer des extensions qui facilitent la prononciation de textes utilisant l'écriture inclusive.
Ressource vidéo : Écriture inclusive et accessibilité numérique
Voici une vidéo portée par la fédération des Aveugles et des Amblyopes de France sur l'accessibilité et l'écriture inclusive. Elle donne des points de vue et des arguments très intéressants, discutés avec des personnes concernées.
Petite parenthèse sur l'amblyopie
L'amblyopie est un handicap où un seul des deux yeux transmet des informations au cerveau, les personnes atteintes peuvent avoir des problèmes de perception des profondeurs, et de la vision en 3D.
Les extensions pour l'écriture inclusive
Ces extensions pour navigateurs webs, facilitent la lecture de textes qui incluent le point médian, et permettent de différencier plus aisément les formes féminines et masculines.
J'ai testé l'extension LÉIA disponible sur Mozilla Firefox.
Elle permet notamment de convertir les textes écrits en écriture inclusive avec le point médian, en textes qui doublent les formes masculines de leurs équivalents féminins, ce qui permet de les lire avec un liseur de texte.
D'autres extensions sont disponibles sur le navigateur Google Chrome comme Ecriture·Inclusive·Facile
Conclusion
Mon avis est que l'écriture inclusive peut contribuer à son échelle à augmenter la visibilité des femmes dans les textes français.
Toutefois, l'écriture inclusive avec le point médian peut apporter des difficultés pour certaines personnes en situation de handicap, en termes de compréhension, car leurs outils peuvent ne pas être adaptés.
C'est un sujet qui doit être discuté, en étant vigilant et vigilante pour ne pas exclure les personnes en situation de handicap.
Les adaptations sont en théorie possibles et pas forcément compliquées à mettre en place, mais il faut que les personnes concernées soient au courant de ces adaptations, et qu'elles puissent les avoir à disposition facilement.
Il faudrait donc, dans le meilleur des mondes, que ces adaptations soient disponibles de base dans les liseurs de texte, et dans les navigateurs web.